Les facteurs déterminants de la mortalité des entreprises au Burkina Faso

La création d'entreprise, bien qu'essentielle au développement économique, est un parcours jalonné d'obstacles. Au Burkina Faso, la pérennité des jeunes entreprises est une préoccupation majeure. Une étude approfondie, commanditée par la Maison de l'Entreprise du Burkina Faso (MEBF) et réalisée par le Laboratoire de recherche en gestion des entreprises et des organisations (LaReGEO), a permis d'identifier une multitude de facteurs, internes et externes, qui influencent la survie des entreprises créées entre 2006 et 2013 dans les Centres de Formalités des Entreprises (CEFORE).

Ces résultats offrent des pistes cruciales pour comprendre pourquoi tant de projets entrepreneuriaux échouent prématurément. Nous allons explorer dans cet article l'impact de l'âge du promoteur, de sa motivation et personnalité, du niveau de formation, du secteur d'activité, de la planification stratégique, et de l'environnement économique et social.

L'âge de l'entrepreneur est un facteur surprenant dans la pérennité des entreprises. L'étude révèle un risque d'échec plus élevé pour les promoteurs âgés de 45 à 64 ans. Cette tranche d'âge affiche un taux de mortalité particulièrement accéléré, atteignant 50% après seulement quatre ans d'activité.

Plusieurs hypothèses peuvent expliquer ce phénomène : une gestion potentiellement complexe de la transition vers la retraite, une résistance accrue au changement, ou un manque de flexibilité face aux dynamiques économiques modernes. Les jeunes entrepreneurs, en revanche, semblent faire preuve d'une plus grande propension au risque et d'une meilleure capacité d'adaptation, ce qui pourrait contribuer à leur résilience face à la mortalité des entreprises.

La motivation personnelle et les traits de personnalité du promoteur sont des éléments cruciaux. Les entreprises dirigées par des entrepreneurs hésitants ou manquant de détermination ont une probabilité de survie considérablement réduite.

À l'inverse, celles pilotées par des entrepreneurs engagés, optimistes et passionnés démontrent une meilleure capacité à résister aux aléas du marché. Une motivation inébranlable permet au promoteur de surmonter les difficultés, de maintenir le cap dans les moments critiques et de conserver une vision claire pour l'avenir de l'entreprise.

Un constat intrigant de l'étude concerne le lien entre le niveau d'instruction du promoteur et la mortalité des entreprises. Les entreprises créées par des promoteurs les plus instruits (titulaires d'une licence ou plus) affichent un risque d'échec plus élevé et plus rapide.

Ce paradoxe pourrait s'expliquer par une tendance, chez les promoteurs très diplômés, à sous-estimer l'importance des réalités du terrain ou à surestimer leurs compétences là où l'expérience pratique est primordiale. Les entrepreneurs moins instruits, quant à eux, semblent faire preuve d'une meilleure résilience, possiblement grâce à une approche plus pragmatique et une plus grande capacité d'adaptation. L'étude confirme aussi que les entrepreneurs sans expérience préalable dans leur secteur d'activité sont confrontés à un risque d'échec élevé, soulignant l'importance vitale de la pratique et de l'expertise sectorielle.

Le domaine dans lequel une entreprise évolue est un facteur décisif pour sa longévité. L'étude révèle des disparités significatives :

• L'Artisanat se distingue comme un secteur à faible risque de mortalité. Son caractère souvent local, personnalisé, et fondé sur des compétences spécifiques, le rend moins vulnérable aux grandes fluctuations du marché.

• En revanche, les secteurs du service et du commerce sont confrontés à des risques d'échec bien plus élevés. Cela s'explique par une concurrence accrue, une potentielle saturation du marché et des défis plus complexes liés à l'acquisition et la fidélisation de la clientèle.

L'étude met en lumière l'importance capitale de la planification stratégique. Les entreprises qui négligent de définir une stratégie claire et de la traduire en actions concrètes avant leur démarrage sont nettement plus susceptibles de connaître un échec précoce.

Une planification rigoureuse, incluant l'anticipation des obstacles et la définition d'objectifs clairs et mesurables, augmente considérablement les chances de succès. Elle permet une meilleure gestion des ressources, une préparation efficace à la concurrence et une capacité d'adaptation accrue face aux défis du marché.

Enfin, l'environnement économique et social dans lequel les entreprises évoluent joue un rôle majeur dans leur survie ou leur disparition au Burkina Faso. Plusieurs facteurs environnementaux sont identifiés comme des causes de vulnérabilité :

• Accès au marché et financements : les difficultés d'accès aux marchés (particulièrement pour les petites entreprises en zones rurales) et aux financements (avec des taux d'intérêt souvent élevés) freinent considérablement l'expansion.

• Concurrence étrangère : la concurrence des produits importés représente un défi de taille pour les entrepreneurs locaux.

• Fiscalité : une fiscalité perçue comme trop contraignante constitue un fardeau financier important pour de nombreuses entreprises.

La mortalité des entreprises au Burkina Faso est un phénomène complexe, résultant d'une interaction entre facteurs internes (âge, motivation, capital humain, planification) et externes (secteur, environnement économique).

Pour maximiser leurs chances de succès, les entrepreneurs doivent impérativement prendre conscience de ces facteurs et les intégrer activement dans leurs stratégies. L'éducation formelle, bien qu'importante, doit être complétée par une expérience pratique solide et un accompagnement adapté. Simultanément, des efforts collectifs visant à améliorer l'accès au marché et aux financements, à optimiser la fiscalité et à renforcer l'accompagnement entrepreneurial sont essentiels.

C'est en combinant une préparation interne rigoureuse et un environnement externe plus favorable que les entreprises burkinabè pourront non seulement être créées, mais surtout grandir, prospérer et contribuer durablement au développement du pays.